Âgé·e, c’est à quel âge?
En fonction des milieux de travail, l’âgisme peut survenir plus tôt dans la vie active. Dans le domaine des TI, il peut survenir dès le début de la quarantaine. Néanmoins, on commence à remarquer la discrimination à l’embauche à partir de 45 ans dans plusieurs domaines d’activités, pour s’accentuer dans la cinquantaine. Cette discrimination peut prendre différentes formes, entre autres via des demandes spécifiques aux responsable du recrutement de cibler des profils de candidat·es de 30 à 45 ans, par exemple.
Âgisme, la discrimination acceptable?
Bien qu’il s’agisse d’un des facteurs de discrimination à l’embauche protégé par la loi, dans la pratique, le droit ne suffit pas pour l’enrayer. Les personnes ayant postulées peuvent facilement être identifiées comme étant surqualifiées pour le poste, motif de refus jugé acceptable. Il devient alors difficile pour une personne de vingt-cinq ans de métier de ne pas être surqualifié pour un poste, quand la majorité des affichages demandent cinq à huit ans d’expérience pertinente.
Les stéréotypes associés à l’âge sont parfois bien dissimulés et entraînent leur lot de conséquences, dont le sentiment d’être dévalué auprès des pairs chez les seniors. Les communications au sein des équipes laissent parfois place à des propos condescendants, teintés d’un humour dénigrant ou visant à mettre de côté ces personnes en leur confiant des tâches sous-qualifiées. Les attitudes âgistes sont la cause de bien des départs prématurés à la retraite.
La diminution de la productivité ou de la qualité du travail, la difficulté à s’adapter au changement, notamment technologique, font partie des stéréotypes les plus véhiculés. Or, aucune étude n’établit de relation claire entre la baisse de performance et le vieillissement. En revanche, des facteurs tels que le manque d’accès à la formation pourraient être en cause.
Le coût de l’âgisme
La recherche démontre que l’âgisme cause de la démobilisation auprès des personnes qui en sont victimes. Ils deviennent alors difficiles à impliquer lorsque vient le temps de demander leur collaboration au transfert de connaissances en vue de préparer la relève. La richesse de leur expérience permet au personnel sénior d’amener plus de sagesse, d’apprentissages issus d’expériences passées. Ils sont généralement plus stables émotionnellement que les plus jeunes, l’expérience venant contribuer à solidifier cette stabilité, notamment en cas de crise. La sagesse acquise avec l’expérience amène une diminution de l’égo et l’humilié sous-jacente amène une dynamique saine et constructive dans une équipe de travail.
Au-delà des softs skills et de l’expérience, il y a également un coût économique à l’âgisme. Le Canada se situe au 18e rang des 35 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d’intégration de main-d’oeuvre âgée. Dans son enquête l’Indice de l’âge d’or, PwC révèle que celle-ci pourrait contribuer à la hauteur de 51,3 milliards de dollars US à la croissance du PIB nationale. Alors que les médias font de plus en plus souvent état d’organisations qui doivent refuser des contrats par manque de main-d’œuvre, il y a lieu de se questionner sur les pratiques d’inclusions en diversité, notamment en faveur de l’âge.
Comment valoriser les cheveux gris
Bien qu’il n’existe pas de recette toute faite pour valoriser leur contribution, certains éléments clés peuvent faire partie de bonnes pratiques de gestion inclusives. Miser sur le désir de contribution des individus est l’une d’elles. Cette contribution peut être faire de différentes façons, entre autres par le compagnonnage avec une recrue, en mode co-développement dans un mécanisme de partage de connaissances en continu ou encore dans une démarche de captation des savoirs. Il est possible de hausser la contribution de certains en co-créant un projet anniversaire, par exemple au vingtième anniversaire d’années de service. Un projet aligné avec les besoins stratégiques de l’organisation, choisi en collaboration avec la personne séniore, qui en serait responsable, en intégrant d’autres collègues pour l’appuyer. Les possibilités sont multiples pour une organisation qui désire créer un milieu de travail inclusif valorisant l’expérience.
Comme dans toute forme de discrimination, nous jugeons ce que nous ne connaissons pas. Une culture organisationnelle basée sur le travail d’équipe multigénérationnel permet de réduire les stéréotypes associés à l’âge. Et, moins il y a d’âgisme, moins il y a de démobilisation et plus les organisations gardent leurs membres du personnel actifs. La communication interne doit également être revisitée afin de refléter cette inclusion. Par exemple, avons-nous tendance à souligner les bons coups majoritairement de jeunes collègues?
Dans un autre ordre d’idées, l’offre employeur doit également être adaptée à cette clientèle de travailleur·euses. Une organisation souhaitant valoriser les cheveux gris doit se demander ce qu’elle peut leur offrir pour les inciter à demeurer en poste. Les besoins en termes de conditions de travail et de rémunération globale ne sont pas les mêmes pour tous, incluant les séniors. Certain·es prolongeraient largement leur vie active si on leur permettait des horaires flexibles, du temps partiel ou d’autres mesures qui sont parfois refusées. Idem pour la rémunération globale. Comme dans plusieurs choses, ouvrir la discussion avec votre personnel demeure la clé de l’adaptation de conditions et rémunération flexibles qui auront de l’impact.
En conclusion, le marché de l’emploi nous apporte à viser une amélioration continue de nos pratiques en matière de gestion des ressources humaines. Les mesures en Équité, diversité et inclusion (EDI) en font partie. Bien qu’il ne soit que peu fréquemment question de la main-d’oeuvre âgée en EDI, une démarche consciencieuse considèrera les risques liés à l’âgisme et proposera des stratégies inclusives adaptées à votre réalité organisationnelle et vos besoins. Afin d’amorcer la réflexion dans votre organisation, je vous pose la question : comment veillez-vous à contrer l’âgisme dans votre entreprise?
Références
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World Health Organization. (2019). Aging and life course. (en anglais).https://www.who.int/ageing/ageism/en/
Harris, K. Krygsman, S., Waschenko, J. et Laliberte Rudman, D. (2018) L’âgisme et le travailleur âgé : un examen de la portée. The Gerontologist. 58(2), e1-e14. https://www.mcmastervieillissementoptimal.org/article-integral/4edfd3684c86a4f68219bdddd6bd4f7b?hl=Ageism+and+the+older+worker%3a+A+scoping+review
Dufeu, A. (2021). Comment combattre l’âgisme?. Regards, 59, 91-101. https://doi.org/10.3917/regar.059.0091
PWC Canada. (2017) Au Canada, une meilleure mobilisation des travailleurs âgés pourrait accroître considérablement le PIB de même que le bien-être social, mental et physique de cette tranche de la population – rapport de PwC.https://www.pwc.com/ca/fr/media/release/better-engagement-of-canada-older-workforce-could-significantly-increase-gdp-and-increase-social-mental-and-physical-wellbeing-of-aging-population.html
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